Parce que « le métier CPAS» requiert des compétences spécifiques, un espace-temps spécifique, un cadre administratif et de gestion spécifique, une évaluation sérieuse, une responsabilité sociétale majeure, le RWLP plaide pour que les CPAS gardent leur autonomie en tant qu’entités en charge de l’action sociale sur les communes.
Parce que « le métier CPAS » est essentiel, Le RWLP demande que ceux-ci consacrent leur temps à la réflexion et l’analyse, pour construire des évolutions basées sur les compétences capitalisées mais également sur les limites et problèmes à dépasser. Le questionnement des missions, visions et pratiques, et ce en interrelation avec les autres acteurs publics et privés de la société civile, dont les acteurs qui luttent contre la pauvreté prime sur tout autre type de question.
Dans une lettre ouverte, Bernard Antoine, Politologue, Directeur général du CPAS de Montigny-Le-Tilleul, Chargé de cours à la Haute Ecole Provinciale du Hainaut, a livré son opinion en réaction à la fusion CPAS/communes évoquée dans la DPR. Nous en reprenons un extrait :
« (…) Alors que le Gouvernement wallon nouvellement installé reconnaît l’urgence d’une lutte efficace contre la pauvreté, il invite dans le même temps, les communes et les CPAS qui le souhaitent à fusionner. Déraison et déconsidération ! C’est la preuve d’une méconnaissance des réalités de la gestion locale par laquelle les responsables wallons amalgament naïvement les métiers et les missions d’institutions très différentes …
(…) De nouveaux modes de coopérations doivent être tissés entre CPAS, entre administrations publiques mais aussi avec l’ensemble du secteur non-marchand (notamment l’économie sociale) faisant de la mutualisation, une nouvelle intelligence administrative au service du bien public. (…)»
Le RWLP adhère à cette réflexion qui invite à ouvrir le débat sur de bonnes questions indispensables : quelles synergies, quelles mutualisations, avec qui, suivant quelles méthodes, pour rencontrer quels objectifs,… ? Si les aspects de gestion financière et administrative entrent en ligne de compte, pour le RWLP ceux-ci ne peuvent occuper la place centrale risquant alors de sacrifier ce qui fait le cœur de la fonction des CPAS, à savoir mieux rencontrer les besoins des populations et mieux contribuer à ce que les personnes puissent réellement s’éloigner ou sortir de la pauvreté dans un contexte sociétal plus que critique.
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Le CPAS, l’institution qui consacre le droit pour tous à vivre dans la dignité humaine, qui consacre l’obligation de ne laisser personne sur le bord du chemin ! Le CPAS, une institution publique au service de l’essentiel = le dernier filet de sécurité pour toute personne, tout ménage, pour lequel la solidarité collective doit s’exercer dans toutes situations de vie jusqu’aux plus difficiles.
Le législateur a organisé l'indépendance des CPAS par rapport aux communes en raison de la nécessité pour ce pouvoir local d'exercer ses missions en toute indépendance dont les principales lui sont confiées par la loi, les autorités fédérales et régionales. Ces missions portent sur des enjeux essentiels puisqu’elles rencontrent les besoins de populations en état de faiblesse, de fragilité, de désarroi pouvant aller jusqu’aux situations de vie les plus extrêmes. Pour permettre aux professionnels qui sont en relation avec les populations, pour permettre aux conseillers et responsables impliqués dans la vie de l’institution et les décisions prises, d’offrir un cadre d’intervention sérieux et responsable, le RWLP estime qu’il faut continuer à considérer les CPAS comme des institutions spécifiques sur le territoire communal, dont l’indépendance est indispensable même si celle-ci ne peut être brandie comme un « espace du laissez-nous faire » en-dehors de tout contrôle démocratique, y compris à travers celui que pourraient exercer les populations concernées. En effet, l’autonomie ne peut confiner à l’isolement mais au contraire, elle doit laisser la place à des pratiques professionnelles qui doivent disposer de l’espace-temps nécessaire (y compris des locaux indépendants évitant toute confusion et garantissant le secret professionnel permanent) pour se réfléchir, être éprouvées, être critiquées, adaptées dans le cadre du métier qui est celui des CPAS et non des communes. Et ce, en interrelation avec d’autres acteurs publics et associatifs, sous le contrôle démocratique des instances qui ont à garantir le respect des législations que le CPAS doit appliquer, et de la déontologie professionnelle qui doit s’y exercer.
Les personnes qui sont contraintes de prendre le risque d’aller confier une partie de leur vie au CPAS, espérant être comprises et accompagnées comme elles en ressentent le besoin, méritent un examen de leur situation avec la garantie du respect du huis clos, du secret professionnel, et que leur soit consacré le temps nécessaire pour que la réponse individualisée adaptée et dûment argumentée constitue un facteur majeur de réussite dans l’installation d’un rendez-vous réussi entre la personne et le professionnel. C’est à ces conditions que l’intervention du CPAS permettra de co-construire une réponse qui rencontrera le cheminement des populations concernées, permettant ainsi une potentielle sortie de crise, un éloignement de l’appauvrissement ou de la pauvreté.
L’institution CPAS devrait offrir le cadre potentiel pour que ce métier difficile, sensible, majeur, à grande responsabilité, s’exerce et se déploie en étant attentif à toutes les facettes qui le composent.
Parce que l’objet des CPAS devrait toujours être de s’intéresser à des SUJETS et non à des dossiers, il faut une équipe, avec toutes ses composantes (sociale, administrative, financière, conseillers), impliquée totalement au service des populations au travers de l’application de la loi organique. Cela demande un investissement centré, unique et total.
Cela constitue en soi un défi de tous les jours relevé par ces institutions, et pourtant largement perfectible aux yeux des associations et témoins du vécu/militants qui s’expriment à ce sujet notamment au sein du RWLP. En effet, les CPAS échappent peu à la critique et occupent une place importante dans les discussions. Preuve s’il en est de l’importance qu’ils revêtent aux yeux des populations concernées qui en attendent plus et surtout mieux.
Le RWLP craint très sérieusement que la fusion, l’intégration des CPAS dans le giron communal, ne contribue à affaiblir significativement ces aspects fondamentaux au profit d’enjeux de gestion, de tempo rapide, de dilution du champ social parmi les autres politiques communales, d’effritement du secret professionnel au service de l’efficacité mal comprise, d’attention affaiblie aux besoins essentiels des populations, de clientélisme potentiel, d’inquiétudes administratives et de statuts qui pollueraient le débat central (quantité et diversité de fonctions à absorber dans le cadre d’une direction unique avec tous les risques accrus de technocratisation préjudiciable à la qualité de travail), de risque de réduction de moyens tant pour l’organisation que pour l’action sociale pouvant avoir un impact déterminant sur la lutte contre l’appauvrissement des populations.
Au moment où les populations sont bousculées, poussées pour une part d’entre elles vers la pauvreté notamment suite aux nouvelles dispositions en matière de chômage, d’accès difficile et de coût du logement, mais aussi d’intégration de l’état social actif dans les dispositifs mêmes des CPAS, un message de dilution d’une institution sociale dans un cadre communal dont le CPAS ne deviendrait plus qu’une branche des politiques communales représente un message négatif et « de recul » pouvant être vécu comme un ajout à « une sorte d’abandon » déjà largement ressenti par une part croissante des populations en état d’appauvrissement.
Pour les raisons énoncées ci-dessus, et parce que le RWLP peut témoigner de l’urgence de travailler avant tout sur des problèmes liés aux législations et pratiques des CPAS, et aux synergies liées à l’action sociale, celui-ci invite le Gouvernement Wallon à quitter le seul regard de la gestion et des économies financières (de plus très incertaines semble-t-il) pour travailler avant tout sur la place des CPAS dans le projet social qu’il souhaite développer en Wallonie et singulièrement en matière de lutte contre la pauvreté. Pour ce faire, le RWLP invite toutes les parties concernées à (re)mettre les populations au centre de la préoccupation pour que les décisions prises, qu’elles soient structurelles mais surtout sur le fond, visent une amélioration du service public rendu à ces populations à travers les CPAS, et ce dans une relation adéquates avec les autres acteurs publics et associatifs.
Le RWLP est disponible pour participer à ce travail si l’expérience des personnes concernées est considérée comme une ressource nécessaire, ce dont nous sommes certains, pour évoluer vers des pratiques et dispositifs qui optimalisent les chances d’atteindre plus de justice sociale et une réduction de la pauvreté.
Aux yeux des associations et des témoins du vécu/militants réunis au sein du RWLP, les enjeux sur lesquels il est indispensable de se pencher se situent donc bien ailleurs que sur la question de la fusion, à savoir :
- Questionner l’absorption progressive par les CPAS d’une partie des pratiques, des rôles initialement dévolus au Forem, notamment via le glissement croissant des populations du travail vers le chômage et du chômage vers les CPAS ! Cela ne conduit-il pas à l’intégration de visions et de pratiques très éloignées de celles qui devraient être opérantes dans les CPAS ?
- Comment affronter qualitativement la masse des personnes qui sont contraintes de s’adresser au CPAS compte tenu de l’exclusion qu’elles subissent d’autres droits de base ?
- Qu’en est-il des populations qui ne vont pas vers les CPAS… Soit qu’en est-il du non-take up très important et du pourquoi il est si nombreux… Et comment le résorber ?
- Quels positionnements prendre face aux orientations très inquiétantes envisagées par le pouvoir de tutelle fédéral, à savoir le rapport électronique unique, la remise en cause du secret professionnel, le travail d’intérêt commun (activation sociale), les perspectives de révision du RIS et de son équivalent… ?
- Questionner certains dispositifs de la loi qui ne permettent plus aujourd’hui de rencontrer les besoins de base des populations et qui parfois confinent à l’appauvrissement notamment dans le passage du statut de chômeur à bénéficiaire du CPAS (la valeur financière du RIS, l’application du taux chef de famille, etc.),
- Questionner les différents métiers absorbés par les CPAS au fil des années, généralement par défaut de fonctionnement (ou défaut de financement ou de reconnaissance ou d’existence) d’autres politiques/dispositifs publics… : est-ce bien au CPAS de gérer en direct des projets d’insertion socioprofessionnelle, d’accès à la culture, d’accès/de gestion à/de l’énergie, etc… ? N’est-ce pas au détriment du temps nécessaire à appliquer la loi organique ? N’est-ce pas au risque de « l’institution totale » et d’un contrôle social paralysant ? N’est-ce pas au risque de conflit d’intérêt ? Quelles seraient les synergies pertinentes à ces sujets… entre CPAS, entre CPAS et associatif, entre CPAS et autres services publics ? Soit (re)questionner le projet politique wallon et local des CPAS dans l’intérêt des populations et de l’accès émancipateur à divers droits de base… Sont-ce les populations qui s’installent dans l’assistance ou la manière d’organiser les politiques sociales qui contraignent à l’assistance ?
- Questionner les préjugés et les dégâts occasionnés par l’obsession de la fraude (même lorsqu’ils sont démentis par les chiffres) en lien avec l’a priori suspicieux préjudiciable à toute relation saine entre une personne en demande et celle qui la reçoit… quels sont ces rendez-vous ratés avec le peuple d’en bas ? Quel respect à la vie privée est encore praticable ?
- Questionner, réfléchir, implémenter, compléter, adapter des partenariats, des synergies entre les CPAS et d’autres dispositifs publics (les PCS, les Relais sociaux, les Relais santé, les Centre régionaux d’intégration des étrangers, etc.) au bénéfice des populations avant tout, respectant l’autonomie, la vie privée, l’intimité des personnes,
- Questionner, réfléchir, implémenter, compléter, adapter les partenariats entre les CPAS et le monde associatif (dans le lien notamment à la formation et à l’insertion socioprofessionnelle, avec les associations de lutte contre la pauvreté, etc.) au bénéfice des populations avant tout, respectant l’autonomie, la vie privée, l’intimité des personnes,
- Tirer les enseignements pertinents, et les aspects à faire évoluer dans le cadre des dispositifs Chapitre XII dans tout ce qu’ils ont de spécifique, de pertinent, dans la cadre partenarial complémentaire (une forme de synergie appliquée depuis bien longtemps),
- Interroger la question du secret professionnel sous tous ses aspects,
- Interroger la conception de la lutte contre la pauvreté et de ce qu’elle veut dire du point de vue des populations concernées,
- Etc.
Le RWLP pense donc qu’il y a mieux et plus utile à faire que de mettre de l’énergie dans un combat pour ou contre la fusion commune/CPAS en abandonnant de facto cette piste pour ouvrir/poursuivre un chantier de réflexion/de travail constructif avec les CPAS et les différents acteurs impliqués et concernés, dans le but de rencontrer l’objectif premier de la loi organique et pour lutter contre toute forme de maintien dans des conditions de pauvreté. Il nous semble que les conditions de vie très rudes que subit une partie de plus en plus importante de la population affaiblie, alors que nous le savons des sommes plantureuses échappent honteusement à l’enrichissement des ressources collectives, devraient inciter une fierté wallonne et communale à ce que l’institution CPAS soit centrale, avec une identification claire, et en recherche d’évolutions vers le meilleur pour les populations.
Les Relais Sociaux ont participé à cette réflexion et partagent l’avis développé dans ce document.