Familles roms en grande précarité: qui prendra enfin ses responsabilités ? En Europe, des centaines de milliers de Roms vivent dans des campements de fortune, isolés du reste de la population par des politiques discriminatoires qui les privent de toute autre possibilité de logement. Ils ne disposent souvent d’aucune garantie de pouvoir rester dans ces lieux, font l’objet d’expulsions forcées et sont réinstallés dans des endroits insalubres.
En Belgique, des familles vont, une fois encore, se retrouver à la rue suite à la fin du dispositif d’accueil hivernal ou à la fermeture de lieux où elles avaient trouvé refuge. Bon nombre d'entre elles sont européennes et de culture rom. Cela fait déjà trois ans qu’elles se retrouvent dans des abris d’urgence, sans qu’aucune réponse cohérente et à long terme ne leur soit proposée. Combien d'hivers faudra-t-il pour que ces familles soient enfin prises en charge dans le respect de leur dignité? Au lendemain de la journée internationale des Roms, nos associations dénoncent leurs conditions de vie alarmantes. Les expulsions répétées des lieux de vie précaires (squats, halls de gare, rues) entraînent des risques sanitaires : rupture de soins ou de traitements, mise à la rue de nourrissons, problème de suivi des vaccinations des enfants, aggravation des pathologies, etc. Madame X, suivie par Médecins du Monde, témoigne : « Je viens de Slovaquie et je suis arrivée à Bruxelles il y a plus d’un an. J’ai trois enfants (7 ans, 4 ans et 1 an et demi). Mon mari travaillait à Genk, maintenant il est sans emploi. On a quitté la Slovaquie à cause de la xénophobie et de la violence constante contre la population rom. Ma cousine a été battue par des skins, elle était enceinte et elle a perdu son enfant. Il n’y a pas d’avenir pour nous à Kosice. J’ai vécu plusieurs mois dans un squat à Ixelles d’où nous avons été expulsés. On a dormi plusieurs semaines dans le tunnel. Maintenant, je vis au Samu Social et après, je ne sais pas... »D’importantes barrières administratives empêchent ces familles d’accéder aux soins de santé: délai minimum de 3 mois pour accéder à une prise en charge médicale, nécessité d’une adresse de résidence, etc. Mariana, une maman slovaque qui séjourne actuellement sur le site de l’ULB, raconte : « Un de mes garçons de 5 ans est tombé et a été opéré en urgence dans un hôpital de Bruxelles fin novembre 2011. On lui a mis une broche au genou. Après, plus aucun médecin n’a voulu nous donner de rendez-vous pour la lui enlever ». La situation précaire que connaissent les familles roms entrave gravement leur accès à l’enseignement. Les enfants sont scolarisés pendant de courtes périodes et aucune stabilité ne leur est garantie pendant l’année scolaire. Par ailleurs, alors même que toutes les enquêtes menées par les organismes internationaux indépendants concluent depuis longtemps à la violation massive des droits fondamentaux des Roms dans leurs pays d’origine, ces pays – qu’ils soient ou non membres de l’Union européenne – sont considérés par la Belgique et ses partenaires comme des pays sûrs. De ce fait, les demandes d’asile déposées par des ressortissants européens sont systématiquement refusées, et celles déposées par des personnes originaires de pays des Balkans sont traitées de façon prioritaire et accélérée, avec des possibilités de recours limitées. Pour les personnes d’origine rom, le droit d’asile ne semble donc pas être reconnu de façon pleine et entière. Aucune solution sérieuse à la situation de ces familles ne peut être envisagée sans un accès à des programmes d’insertion permettant le respect de leurs droits au logement, à la santé, à la scolarisation et à l'emploi. Laisser ces familles sans droits ou presque est indigne de notre société. Faut-il rappeler que les Roms, quelle que soit leur nationalité, n'ont pas pour culture ou vocation de vivre dans la misère ? La banalisation de leur situation de pauvreté et d'exclusion sociale et administrative menace gravement et durablement les droits de l'ensemble des personnes précarisées et ce, alors que la crise économique aggrave chaque jour les atteintes aux droits sociaux. Par ailleurs, renvoyer les Roms par la force ou au travers d’un circuit de retour volontaire dans leur pays de provenance est coûteux et restera inefficace et inhumain tant que la situation sur place n'aura pas évolué pour elles en termes de discrimination et d’insécurité. Dès lors, il est grand temps que leur réalité soit correctement prise en compte et que ces familles soient traitées comme toute famille dans le besoin, c'est-à-dire à travers un accompagnement individuel adéquat. La stratégie belge d'inclusion des Roms, adoptée à la demande de l'Union européenne en mars 2012, ne résout en rien la problématique car les programmes ne s'adressent pas aux familles précarisées. L’Union européenne s’enorgueillit d’être « fondée sur les principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». Or, les exemples quotidiens de discriminations à l’égard des Roms montrent que les institutions européennes sont bien loin de concrétiser ces principes à l’égard d’une des minorités ethniques les plus importantes d’Europe. C’est pourquoi nous, associations, demandons qu'une véritable concertation ait lieu en Belgique pour faire sortir ces familles du cercle vicieux de l'exclusion, de la pauvreté et de la ségrégation. Pour ne pas créer un peuple de parias au cœur de l’Europe.
Cette carte blanche est signée par : Amnesty International Belgique francophone; le CIRÉ ; le Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie, la Ligue des droits de l’Homme Belgique, Médecins du Monde Belgique ; l'Union des Locataires Marollienne ; Rom en Rom. Avec le soutien du Délégué général aux droits de l’enfant.