Le 20 septembre, l’Ulg décernera le tire de « docteur honoris causa » à trois personnalités : le docteur Denis Mukwege, qui s’est mis au service des femmes victimes du viol utilisé comme arme de guerre en République Démocratique du Congo ; Hassan Jarfi, dont le fils a été assassiné à Liège en raison de ses préférences sexuelles ; son père a écrit un plaidoyer pour la tolérance et les droits de l’Homme. La troisième personnalité distinguée est Christine Mahy, notre Secrétaire générale, pour son action émancipatrice en faveur des populations soumises à l’appauvrissement.
Le titre honorifique de docteur peut être délivré sans examen par l’Université, selon des procédures strictes, « pour preuve d’estime »[1] envers des personnalités dont l’Université entend saluer l’action. Nous sommes évidemment très heureux de pouvoir vous annoncer que Christine va être distinguée dans ce cadre. Pour trois raisons essentielles.
En étant associée à l’action d’un médecin qui lutte contre les violences de guerre faites aux femmes, à un père dont le fils a payé de sa vie la discrimination et qui plaide pour les droits, l’action de Christine Mahy est appréhendée dans son sens réel : faire reconnaître la pauvreté comme une violence de structure, violence qui aboutit à détruire les possibilités de création des personnes et des groupes, à dilapider les richesses que représentent les populations et, depuis trop d’années, violence ultime, à rendre ces personnes principales voire uniques responsables de leur sort et à les sanctionner en conséquence.
Ensuite, ce sont les modalités d’action de notre association et de bien d’autres dont la pertinence est ainsi reconnue : l’éducation permanente, le croisement des luttes culturelles et des luttes sociales, leur appui les unes sur les autres. Cette action fait confiance à la capacité d’analyse des personnes, à la production du savoir dans l’expérience et dans la rencontre. Mais aussi, et nous en remercions Christine qui le fait de manière exemplaire, au fait que la parole des populations victimes des violences économiques, sociales et culturelles, si elle doit être écoutée, doit surtout être portée pour pouvoir porter. C’est là la dimension proprement politique de son action et ce sont nos engagements à tous qu’elle exprime si bien.
Enfin, une Université qui choisit de distinguer « pour cause d’honneur » telle ou telle action ou telle ou telle cause dit aussi quelque chose d’elle-même, de ses propres choix. La lutte contre les violences et les inégalités dont l’importance et la pertinence sont ainsi réaffirmées par l’Université de Liège ne peut que nous inciter à continuer à chercher, dans une voie inaugurée par un Pierre Bourdieu et par tant d’autres, les conditions d’une alliance effective entre les chercheurs, les associations militantes et les organismes de mobilisation. C’est une telle alliance qui nous paraît apte à stopper la violence impersonnelle des marchés, de la guerre, de l’intolérance, à imaginer des « instances de contrôle » de leurs forces dérégulées, instances qui seraient « enracinées dans un véritable mouvement populaire »[2]. Pour que l’honneur des populations méprisées soit rétabli ; pour que les inégalités qui les frappent diminuent notablement.
Jean Blairon, Président du RWLP.
[1]https://www.ulg.ac.be/cms/c_29969/de/ra2000-le-doctorat-honoris-causa
[2]P. Bourdieu, « Pour une vraie mobilisation des forces organisées », Interventions, Sciences sociales et action politique, Marseille, Agone, 2002, p. 458.